Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2021/2 Résumé
Les acteurs non étatiques dans l’éducation : Qui décide ? Qui est perdant ?
Animation: Housatonic Design Network. Image de couverture : Joris Vens/Super Formosa Photography.
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MESSAGES CLÉS
Les acteurs non étatiques sont impliqués dans tous les aspects de l’éducation. En d’autres termes, sans les acteurs non étatiques, l’éducation de 350 millions d’enfants supplémentaires relèverait de la responsabilité de l’État. L’implication de ces acteurs n’est néanmoins pas sans incidence — notamment sur les manuels scolaires utilisés, sur la nourriture proposée dans les cantines, sur le soutien supplémentaire mis à disposition et sur les compétences enseignées.
L’éducation publique bénéficie d’un soutien populaire. Dans 34 pays à revenu intermédiaire et élevé, trois personnes sur quatre préféreraient que les dépenses publiques consacrées à l’éducation soient plus importantes. Ce soutien augmente proportionnellement au degré d’inégalité du pays considéré. Près de neuf personnes sur dix pensent que l’éducation doit être principalement publique.
Ce soutien s’est toutefois progressivement érodé dans plusieurs pays à revenu faible et intermédiaire. Dans les endroits où les écoles publiques se sont raréfiées et où leur qualité s’est détériorée, de nombreuses familles ont tout simplement cessé d’y envoyer leurs enfants. La part des établissements privés dans le monde a augmenté de 7 points de pourcentage en une dizaine d’années : elle est passée à 17 % en 2013 dans l’enseignement primaire et à 26 % en 2014 dans l’enseignement secondaire. Elle est restée plus ou moins la même depuis lors. En Asie centrale et en Asie du Sud, la part des inscriptions dans des établissements privés est de 36 % dans l’enseignement primaire et de 48 % dans l’enseignement secondaire.
L’enseignement public n’est pas gratuit. Les ménages représentent 30 % des dépenses totales consacrées à l’éducation dans le monde et 39 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure. Cela s’explique en partie par le fait que les familles les plus riches tentent de donner un avantage compétitif à leurs enfants. Une grande partie de ces dépenses est néanmoins consacrée à l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire, que les gouvernements s’étaient engagés à dispenser gratuitement. Environ 8 % des familles contractent des emprunts pour payer les frais de scolarité. Ce chiffre passe à 12 % dans les pays à faible revenu et à au moins 30 % en Haïti, au Kenya, en Ouganda et aux Philippines.
L’enseignement public est rarement inclusif. De nombreux systèmes d’éducation publique ne parviennent pas à prévenir la stratification et la ségrégation. Un indice de diversité sociale dans les écoles, basé sur les données du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, a révélé que l’Argentine, le Brésil, le Chili et le Mexique présentaient des niveaux élevés comparables de stratification en 2018, bien que seul le Chili ait fait l’objet de critiques pour la part élevée d’établissements privés dans son système éducatif.
Il n’y a pas un type de prestataire qui dispense un enseignement de meilleure qualité qu’un autre. Des données provenant de 30 pays à revenu faible et intermédiaire montrent qu’une fois les caractéristiques du ménage prises en compte, l’avantage présumé de la fréquentation d’un établissement privé chute de 50 % à 67 %. D’après un échantillon de 49 pays, les ménages les plus riches sont presque dix fois plus susceptibles que les ménages pauvres de fréquenter une école privée. En outre, les parents qui sont en mesure de choisir l’école que fréquentent leurs enfants le font suivant leurs croyances religieuses, pour des raisons pratiques et en fonction des caractéristiques démographiques des élèves plutôt que de la qualité d’enseignement, sur laquelle ils disposent rarement d’informations suffisantes.
Les capacités de réglementation, de suivi et d’application des normes sont généralement faibles aux endroits où il y en a le plus besoin. L’analyse de 211 systèmes éducatifs pour les besoins du site Web consacré au Programme d’éducation pour les situations d’urgence et de reconstruction montre que les réglementations tendent à porter sur l’enregistrement, l’approbation ou l’octroi de licences (98 %), la certification des enseignants (93 %), les infrastructures (80 %) et le nombre d’élèves par enseignant (74 %). Elles portent beaucoup plus rarement sur la qualité ou l’équité : 67 % d’entre elles réglementent l’établissement des frais, 55 % visent à empêcher les procédures d’admission sélectives dans les écoles non étatiques, 27 % interdisent la réalisation de bénéfices et seulement 7 % prévoient des quotas pour favoriser l’accès des groupes défavorisés. Le soutien scolaire privé n’est pas réglementé dans 48 % des pays et n’est réglementé que dans le cadre de la législation commerciale dans 11 % des pays.
Les acteurs non étatiques sont encore plus présents dans les domaines de l’éducation de la petite enfance, de l’enseignement technique et supérieur ainsi que dans l’éducation pour adultes. Et ce parfois au détriment de l’équité et de la qualité. Le coût généralement plus élevé de l’éducation de la petite enfance et de l’éducation supérieure non étatiques se traduit par une surreprésentation des élites urbaines dans les établissements scolaires non étatiques. Aux États-Unis, un lien a été établi entre les universités qui cherchent à maximiser leurs profits et la baisse des résultats des étudiants. Les institutions dispensant des formations privées, dans le cadre de la concurrence commerciale ou par le biais de systèmes de perfectionnement des compétences, comme le programme de prêts TVET FEE-HELP en Australie ou l’Entreprise nationale de développement des compétences en Inde, ont été contraintes de repenser les processus de redevabilité et de suivi afin d’améliorer la qualité de l’offre privée ainsi que les résultats en matière d’employabilité.
Les gouvernements doivent partir du principe que les établissements scolaires, les étudiants et les enseignants font partie d’un seul système. Les normes, les données, les mesures incitatives et la redevabilité doivent aider les gouvernements à protéger, à respecter et à faire valoir le droit à l’éducation de tous, ainsi que les empêcher d’ignorer les privilèges ou l’exploitation. Si l’enseignement financé par des fonds publics ne doit pas nécessairement être dispensé par le système public, les disparités des processus éducatifs, les résultats des élèves et les conditions de travail des enseignants doivent toutefois être abordés de front. Plutôt que d’être protégées à tout prix par le secret commercial, l’efficacité et l’innovation devraient être diffusées et pratiquées par tous. Pour y parvenir, il convient de préserver la transparence et l’intégrité des processus d’élaboration des politiques publiques relatives à l’éducation.